Brèves d’infos est un journal éphémère créé spécialement pour le ChallengeAZ 2024. Il paraît tous les jours du mois de novembre 2024 sauf le dimanche. L’édito journalier porte sur un drame, un instant de gloire, un choix de vie ou un acte héroïque. Les protagonistes de ces moments sont la plupart du temps des cousin(e)s plus ou moins éloigné(e)s ou leurs conjoints. 26 numéros de Brèves d’infos qui mettent en avant des faits dans la vie de ces individus et qui passent inaperçus à la lecture seule des actes d’état-civil les concernant.
Sans rancune, deux mots que l’on a probablement tous dit, au moins un jour dans sa vie, et qui invitent à la réconciliation. A vrai dire, cela vaut mieux car la rancune est une colère qui s’installe en nous et peut durer très très très longtemps. Celle-ci est provoquée par un désir de vengeance et apparaît lorsqu’une émotion négative est ressentie à la suite d’une offense ou d’un préjudice. Visiblement, le pardon n’existe pas pour une personne rancunière, elle va manifester un sentiment d’animosité durable et profond à l’encontre de celui ou celle qui l’a offensée. Sans rancune, n’est visiblement pas dans le vocabulaire de Marie Louise Aurélie Bourette, une lointaine cousine. Bien au contraire! Parce qu’elle est particulièrement rancunière, Marie va faire les gros titres et défrayer la chronique en 1910.

Soyons honnête et rendons à César ce qui est à César. Merci donc à Geneastar pour m’avoir permis de découvrir cette lointaine cousine. Je suppose que tous les abonnés de Geneanet connaissent ce site qui propose les généalogie de célébrités. Je suppose également, que tout comme moi, poussé par la curiosité, il y a eu une recherche de cousinage. De mon côté, j’ai obtenu une liste de 39 personnes avec lesquels mes enfants ont un/une ancêtre en commun. Je dois avouer que je n’en connaissais pas les 3/4, ce qui peut donner une idée de mon niveau de culture générale, ou alors, la notion très personnelle que j’ai du mot «star». Y figure parmi ces 39 individus, Marie Amélie Bourette, qualifiée d’empoisonneuse! Là sur le coup, ce n’est pas très courant. En effet, à l’exception de Violette Nozière et de Marie Besnard, j’ai quelques lacunes concernant les utilisatrices de poisons. J’ai alors regardé sur le net ce qu’il en était à propos de Marie et je me suis aperçu que la dame avait quand même une certaine notoriété avec une pléthore d’articles de journaux la concernant sur Gallica ainsi qu’une page Wikipédia.

Je ne vous apprends rien en disant que l’on a généralement de la rancune envers un ou des individus. En l’occurrence, pour Marie, il s’agit d’un homme, dénommé Charles Auguste Doudieux. Qu’a-t-il donc fait pour l’offenser à un point que celle-ci veuille se venger à coup d’arsenic ou autres substances du même acabit? Pour cela, revenons quelques années en arrière. En 1901, Marie est alors âgée d’une petite trentaine d’années et travaille aux grands magasins du Louvre comme vendeuse de jupons. Elle est célibataire et d’après ses dires lors de ses futurs interrogatoires par la police, n’a jamais eu de liaisons. On pourrait donc, à cette époque, la qualifier de vieille fille (quoique l’expression est, il me semble, toujours utilisée par certains de nos jours).
Fin mai 1901, Marie fait la connaissance de Charles Doudieux, un représentant d’une maison d’ameublement et visiblement son cœur chavire. Charles, lui, n’est pas tout à fait sur la même longueur d’onde, il cherche plutôt l’aventure et qui sait si ce n’est pas pour avoir un peu plus que de chastes rendez-vous qu’il lui parle mariage? On peut le penser, mais vu que Charles ne cherche pas à se caser, au bout d’un temps la romance de Marie finit par prendre fin. Quelques mois, plus tard, elle apprend que son ex-soupirant s’est marié et vit au Vésinet. Un début de rancune s’installe chez Marie qui va se traduire par l’envoi de lettres anonymes et d’insultes au couple Doudieux. Cela n’aurait peut-être pas été plus loin, mais en 1907, Marie est renvoyée des grands magasins du Louvres à la suite de vols. Elle retrouve du travail au cabaret Le bal Tabarin rue Pigalle avec toutefois un salaire inférieur. Est-ce pour cette raison qu’elle demande de l’aide à Charles? Possible. Toutefois, malgré ce qui s’est passé entre eux, celui-ci ne se sent redevable d’elle en aucune façon. C’est à ce moment-là que la rancune de Marie envers Charles prend toute son ampleur, à l’image de celle éprouvée par Glenn Close pour Michael Douglas dans «Liaison fatale». Sa décision est alors prise, son plan est simple, elle va lui empoisonner la vie, ainsi qu’à son épouse, au sens propre comme au figuré.

Des chocolats à la crème, de la strychnine, de l’arsenic et une boîte portant le nom de Bourbonneux, célèbre pâtissier de Paris, tels sont les éléments dont va se servir Marie pour assouvir sa vengeance en septembre 1908. Elle retire le fond des chocolats, agrémente la crème avec les poisons, recolle le fond des chocolats, met les friandises dans la boîte et envoie cela à Charles. Manque de chance pour elle, mais pas pour lui, Marie a bâclé son ouvrage. Les fonds des chocolats se décollent et Charles trouve que la crème a un aspect bizarre. Il va trouver le confiseur, qui après lui avoir certifié qu’il ne vendait pas ce type de chocolats, l’incite à les faire analyser. Aussitôt dit, aussitôt fait, et le résultat des analyses indique une forte concentration en arsenic dans les friandises. Est-ce que cela inquiète Charles? Pas vraiment puisqu’ il omet de porter plainte et il oublie, le temps passant, cette mésaventure. Toutefois, ce n’est pas le cas de Marie, elle est persévérante et va tenter une autre approche. Début octobre 1909, elle dépose dans un des massifs du jardin de Charles un paquet de pharmacie. Dans ce dernier, il y a des cachets d’antipyrine, un médicament possédant entre autres des propriétés antinévralgiques, des têtes de camomilles, un sachet de sels de Vichy ainsi qu’un papier portant la note des différents produits. Bien évidemment, Marie a pris soin d’ajouter son fameux mélange arsenic/strychnine dans les cachets d’antipyrine ainsi que dans les sels. Le paquet est trouvé par l’épouse de Charles, mais celle-ci, pensant que c’est une erreur de livraison, le met de côté en attendant de le rendre à la pharmacie.

Quelques jours plus tard, Charles et son épouse déjeunent chez des amis en compagnie de Jules Godard, jeune ténor belge à l’avenir prometteur, et de sa femme. Ce dernier ne se sentant pas très bien, les Doudieux proposent alors au couple de dormir chez eux afin d’éviter le retour vers Paris en transport en commun. Vous sentez venir la suite? Dans la soirée, Jules se plaint d’une violente migraine. La femme de Charles pense aussitôt aux cachets d’antipyrine qui sont théoriquement faits pour soigner ce genre de douleur et en fait profiter le migraineux. Ce qui devait arriver, arriva. Quelques heures plus tard, Jules est pris de convulsions et expire peu de temps après. Le médecin qui avait été appelé sur les lieux conclut alors à une crise d’urémie foudroyante.

Marie a-t-elle eu connaissance du drame? Je ne sais pas, en tout cas elle ne lâche toujours pas l’affaire. Comme on dit «vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage», une maxime que Marie applique à la lettre. Elle laisse tomber les friandises et les médicaments, et opte pour un tout autre produit : des moules. Pourquoi pas! Quand Charles reçoit le colis de moules ayant pour expéditeur un fabricant de meubles de Caen, il contacte celui-ci qui lui répond n’avoir jamais rien envoyé. Le doute s’installe enfin avec tous ses envois de colis et les lettres anonymes. Les mollusques sont envoyés pour être analysés et sans surprise, tout comme les chocolats ceux-ci sont assaisonnés du cocktail préféré de Marie. Finalement, c’est avec une lettre que lui avait envoyée Marie quelques temps auparavant que Charles fait enfin le lien entre ses «déboires» et l’ex vendeuse de jupons. La même écriture sur les colis que sur le courrier. Il n’en faut pas plus à la police pour aller perquisitionner chez Marie et découvrir de l’arsenic, de la strychnine, de l’antipyrine et des sels de Vichy empoisonnés, mais aussi de nombreuses lettres anonymes prêtes à être envoyées à Charles. Plus de doutes concernant les intentions de Marie et celle-ci est arrêtée début 1910 et écrouée à la prison de Saint-Lazare. On repense alors au décès de Jules. Son corps est exhumé et on détecte la présence des poisons dans celui-ci, ce qui va aggraver le chef d’accusation de Marie.

Lors de son procès, Marie va nier toutes les accusations portées contre elle et a un comportement qui déconcerte toutes les personnes présentes dans la salle d’audience. Toutefois, le 13 juillet 1910, le verdict est sans appel. Marie est condamnée aux travaux forcés à perpétuité et doit verser des dommages et intérêts à la veuve du ténor. Son avocat tente bien des recours en plaidant la folie mais rien n’y change. Marie est un temps internée dans un asile psychiatrique avant d’être envoyée à la prison des femmes de Rennes où elle y décède en septembre 1921. Le colonel Hannibal Smith dans la série «Agence tout risque» répète à chaque épisode « j’aime qu’un plan se déroule sans accrocs». Bien que celui de Marie en ait connu un, elle a continué sur sa lancée, comme quoi sa rancune était vraiment tenace!

Sources & Crédits
Geneastar – Marie Bourette
Wikipédia – Marie Bourette
Gallica – Le Journal du 13 juillet 1910
Wikipédia – Grands Magasins du Louvre
Palais Galiera – Grands Magasins du Louvre – Saison d’été 1901 Volume 7
Pixabay – Des sucreries, des chocolats
Faire à sa tête – Arsenic entre tête et mer
BlackCreek.ca _ Strychnine bottle
Ebay – Antipyrine Knorr Migraines 1897
Forgotten Opera Singers – Jules Godard
Gallica – Le Petit Journal du 9 janvier 1910
Société d’histoire du Vésinet – A propos de Marie Bourette


Incroyable histoire que j’ai manqué l’année dernière. J’espère que vous ne m’en tiendrez aucune rancune.
Vous n’avez rien loupé 😊 je viens tout juste de le mettre en ligne pour terminer le challengeAZ. Les autres articles vont suivre 😉
Je l’imagine bien solitaire pour que ça tourne à l’obsession. Un jeune d’aujourd’hui lui dirait de « s’acheter une vie » !
Probablement. Elle était visiblement peu appréciée des ses collègues qui la traitaient de langue de vipère. Elle aurait du s’en tenir à ça 😉
Les cousins célèbre, ce n’est pas toujours ce qu’on croit ! Celle-ci n’est guère sympathique…
Oui on trouve de tout 😅 certains vont relever le niveau à la lettre Y 😉
Têtue la bourrique ! Oui avec Généastar on trouve de tout comme cousins/cousines. Dingue cette Marie, n’empêche pauvre Jules Godard !
Oui quand y pense, si Charles avait mangé les chocolats Jules serait toujours en vie 🙃
Nous devons avoir la même définition du mot star : je ne connais aucun de mes « cousins » geneastar 😂 Belle et intéressante reprise de challenge 👏👏 Je note que Marie avait une passion pour les chapeaux (très) impressionnants !!
Visiblement le star système n’est pas pour nous 🤣 Marie s’est mise en valeur pour son procès mais cela n’a eu aucun impact sur le verdict 😉