Brèves d’infos est un journal éphémère créé spécialement pour le ChallengeAZ 2024. Il paraît tous les jours du mois de novembre 2024 sauf le dimanche. L’édito journalier porte sur un drame, un instant de gloire, un choix de vie ou un acte héroïque. Les protagonistes de ces moments sont la plupart du temps des cousin(e)s plus ou moins éloigné(e)s ou leurs conjoints. 26 numéros de Brèves d’infos qui mettent en avant des faits dans la vie de ces individus et qui passent inaperçus à la lecture seule des actes d’état-civil les concernant.
Vous connaissez tous l’expression «jamais deux sans trois», qui signifie qu’un événement qui survient deux fois se produira très souvent une troisième fois. Je ne vais pas la faire mentir puisque pour le dernier numéro de Brèves d’infos, voici revenir la star de ce journal éphémère : Philibert Louis Bemelmans dit Belmance. Après s’être jeté à l’eau pour repêcher un militaire dans le numéro 14 «Noyade interdite», puis avoir plongé dans des flammes pour porter secours à une femme en détresse dans le 21 «Under fire», qu’a-t-il donc fait encore? Rien où plutôt tout quand on découvre son parcours!
Il y a bien longtemps que je connais Philibert et sa carrière sur les planches. En effet, ayant plusieurs comédiens, dont des premiers sociétaires de la Comédie Française, j’avais déjà eu l’occasion de retrouver Belmance dans un ouvrage d’Henry Lyonnet qui leur était consacrés : «Le dictionnaire des comédiens Français (ceux d’hier)» édité au début du XXe siècle et disponible sur Gallica.
On peut voir ainsi que la carrière de Philibert, bien qu’elle ait commencé vers 1853, prend son envol à partir de 1859 et qu’il va sillonner la France pour jouer, allant de théâtre en théâtre ou de troupe en troupe. Il est même mentionné qu’il est titulaire de la médaille d’honneur comme nous avons pu le voir à la suite de sa prestation dans la Seine («Noyade interdite»). En 1890, il quitte la scène après avoir arpenté les planches pendant plus de 35 ans et s’installe à Aix-en-Provence pour y passer sa retraite. Il aurait peut-être aimé avoir une fin comme Molière, mais c’est chez lui qu’il s’en va le 25 mai 1892 après une vie bien remplie. Justement, c’est celle d’avant sa percée dans le monde du théâtre qui est loin d’être banale!
En 1857, Belmance interprète le rôle de Lefèvre dans le vaudeville de 1831, «Les deux divorces». A cette occasion, il est remarqué par Stansilas de Charnal, directeur du journal «L’album théâtral». Visiblement impressionné par son jeu d’acteur, celui-ci lui consacre un article dans le numéro de mars de cette année là avec sa biographie. Cette dernière a été reprise dans « L’Industriel de Saint-Germain» du 27 octobre 1860 par le journaliste Léon de Villette, quand à son tour, il découvre Belmance jouant Judael de Médicis dans le drame «Lazare le pâtre» en septembre 1860 au théâtre de Saint-Germain-en-Laye et ovationné par le public à la fin de la représentation.
Sa vie est digne d’un roman de Zola ou de Hugo, selon vos goûts littéraires. Philibert Louis Bemelmans, dit Belmance, naît en 1822 à La Queue (ancienne Seine-et-Oise), et est le 15e et dernier enfant de Philibert senior. Il est aussi le 4e enfant de Louis Pichonnier, la seconde épouse de son père. Philibert junior est âgé de 8 ans, quand il se retrouve orphelin de père. Il quitte alors sa Brie natale avec sa mère pour la capitale ne sachant pas encore que 5 ans plus tard il va avoir la révélation de sa vie dans un des théâtre du boulevard du Temple.
Depuis le 29 décembre 1835, se joue au théâtre de la Gaité «Les infidélités de Lisette». Philibert assiste à une représentation et c’est le coup de foudre. Lui le petit provincial, ne sachant ni lire ni écrire et parlant le briard, décide ce jour là de son avenir : il sera comédien. «A l’impossible nul n’est tenu» ne s’applique pas à Philibert. Il se prend en main et fait son éducation tout en travaillant comme menuisier. Deux ans plus tard, il sait lire, écrire et parler comme tout parisien et commence à faire ses armes dans des théâtres amateurs, puis en intégrant une troupe qui joue en Picardie. Il revient à Paris et alterne entre le travail du bois et des engagements en Normandie. Au milieu de tout cela, il se marie en 1844 à Paris avec Marie Turbet et aura 5 enfants (mais je ne n’ai trouvé que 3 pour l’instant…). Malgré toute sa volonté, sa carrière ne démarre pas et il abandonne ses rêves pour partir vers une nouvelle terre promise : l’Algérie. Mais les rêves sont faits pour être vécus et après avoir fréquenté une troupe théâtrale à Mostaganem, Belmance rejoint celle de Laurençon, directeur du théâtre d’Oran. Pendant 3 ans, il parfait son jeu sous le soleil algérien avant de remonter à Paris. C’est parti, les engagements se succèdent en province, tout d’abord puis à Montmartre où il est acclamé dans les différents rôles qu’il interprète. La suite, vous la connaissez, il ne va plus arrêter de jouer jusqu’à sa retraite en 1890.
Autodidacte, comédien, menuisier, colon, régisseur, sauveteur amateur, mari, père, tous ces mots conviennent à Belmance et sont synonymes des moments de sa vie. Il y en a surement d’autres, comme photographe par exemple. En juin 1861, il propose, accompagné de son épouse, de réaliser des portraits ou tout autres choses à des prix modiques dans son atelier place du théâtre à Saint-Germain. Un touche-à-tout ce Belmance!
Sources & Crédits
Gallica – Dictionnaire des comédiens français, ceux d’hier. Tome 1
Gallica – Les Deux divorces, comédie-vaudeville en 1 acte, par MM. Théodore Cogniard et Hippolyte Cogniard
Gallica – Lazare le pâtre : drame en quatre actes avec prologue par M. J. Bouchardy
Gallica – L’Industriel de Saint-Germain-en Laye du 27 octobre 1860
Wikipédia – Théâtre de la Gaîté (boulevard du Temple) 1835–1862
Google books – Les infidélités de Lisette
Gallica – L »Industriel de Saint-Germain-en Laye du 26 juin 1861
Wikipédia – Un photographe ambulant à la fin du XIXe siècle
Quel palmarès ! Il est absolument génial ce cousin, il a bien mérité ses trois articles 🤗
N’est-ce pas? Surtout quand on s’y attend pas juste à la lecture des actes NMD. Une belle découverte 🤗
Bravo à lui ! Bravo à toi pour ces articles !
Merci pour tes lectures 😊