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Under fire

Brèves d’infos est un journal éphémère créé spécialement pour le ChallengeAZ 2024. Il paraît tous les jours du mois de novembre 2024 sauf le dimanche. L’édito journalier porte sur un drame, un instant de gloire, un choix de vie ou un acte héroïque. Les protagonistes de ces moments sont la plupart du temps des cousin(e)s plus ou moins éloigné(e)s ou leurs conjoints. 26 numéros de Brèves d’infos qui mettent en avant des faits dans la vie de ces individus et qui passent inaperçus à la lecture seule des actes d’état-civil les concernant.


Il y a des gens qui sont nés pour accomplir des actes héroïques, un peu comme si cela était inscrit dans leur ADN. Philibert Bemelmans dit Belmance fait partie de ceux-là. Artiste de théâtre, photographe à ses heures, il sait endosser tous les costumes, ce qui peut paraître normal pour un comédien. A la différence de la citation de Jules Renard qui dit «N’écoutant que son courage qui ne lui disait rien, il se garda d’intervenir.», Belmance lui, ne se pose pas de questions et intervient quelque soit la situation. Nageur-sauveteur, en secourant un militaire qui avait bu la tasse dans la Seine (cf. Noyade interdite), puis pompier, lors de l’incendie du Théâtre de Brest en 1866.

Biographie express de Philibert Bemelmans et arbre de parenté avec mes enfants – Recherches personnelles

Au début de l’année 1866, Belmance est déjà un artiste reconnu à Saint-Germain-en-Laye où il se produit dans le théâtre de la ville depuis bientôt 6 ans. Il a probablement des envies de montrer ses talents de comédien ailleurs et c’est ainsi qu’il intègre une troupe qui officie tout à l’ouest de la France, à Brest. Les Brestois ont un théâtre centenaire. Celui-ci a été bâti, en 1766, sur une ancienne salle de spectacle en bois qui à l’origine, était destinée à divertir les soldats de la garnison et par la même occasion leur éviter de trop fréquenter les bouges mal famés. En 1817, le théâtre devient propriété de la ville à la suite d’une ordonnance royale l’y autorisant. Il faudra, tout de même attendre près de 40 ans pour que la bâtiment soit entièrement restauré.

Situation du théâtre de Brest et coupe de la salle en 1829 – Gallica

On peut imaginer que Belmance était heureux de jouer dans ce lieux, mais sa joie fût de courte durée. En effet, à la suite de l’incendie survenu le 11 mars 1866, la troupe de notre artiste s’est trouvée dissoute. Ce jour-là, en vue de la représentation du soir, les comédiens arpentent les planches pour répéter «Le Bossu» de Paul Féval, une pièce qui me rappelle des souvenirs de mon enfance quand je repense au film du même nom avec Jean Marais et Bourvil. Ils répètent également un opéra-comique, «Le postillon de Longjumeau», dont je n’avais jamais entendu parlé avant cet article (je me suis rattrapé à cette occasion). Les artistes terminent leur répétition et c’est vers 15h30 que l’on découvre qu’un feu s’est déclaré dans le théâtre. A la différence de «La tour infernale» où les flammes s’attisent tranquillement dans une pièce avant de se propager crescendo dans les étages , là, il ne faut pas longtemps pour que tout le bâtiment soit en feu. Toutefois, il faut reconnaître que les matériaux de l’époque devaient largement aider à la propagation de l’incendie. En effet, les décors, les frises, le plafond et la toitures sont vites dévorés par les flammes. Les secours arrivent sur place, mais en dépit des pompiers de la ville, ceux de la marine et de la bonne volonté des habitants qui font la chaîne avec des seaux d’eau, l’incendie a gain de cause et ne laisse que des murs calcinés quelques heures plus tard.

Incendie du théâtre de Brest – Gallica

Après avoir planté le décors, il est temps de voir comment Belmance a décidé de jouer les Steve McQueen ce jour-là. Philibert, comme beaucoup d’autres, se trouve à la porte du théâtre en train de regarder les flammes faire leurs œuvres, quand il avise la femme du concierge, à l’étage, cherchant à s’échapper par une fenêtre. Le mari de celle-ci, qui lui est dehors, lui ordonne de sauter. Et puis quoi encore se dit-elle car visiblement elle n’en a aucune envie. Belmance, voyant cela, pique un sprint à travers le brasier et grimpe quatre par quatre les marches de l’escalier pour rejoindre la malheureuse. Il tente de la convaincre de le suivre en empruntant le chemin inverse qu’il vient de prendre, mais elle refuse de bouger. On peut la comprendre, il y a une fumée épaisse qui empêche de voir à 1 mètres et des flammes dignes de l’antre du diable. Finalement, une échelle est dressée et la concierge peut enfin se sortir de cette situation plus que préoccupante. De son côté, notre apprenti pompier ne choisit pas la solution de facilité car il retourne fouiller d’autres pièces à la recherche d’autres personnes piégées par l’incendie. Malgré tout son courage, Belmance, n’ayant pas de masque à gaz, vu que cela n’existe pas encore, se dirige vers la sortie car il commence à être intoxiqué par la fumée. Il va sûrement plus vite que prévu puisqu’il dévale l’escalier en tombant. Il est relevé et entraîné dehors par un de ses amis qui a eu la bonne idée de rester près la porte au cas où.

L’Industriel de Saint-Germain du 31 mars 1866 – Archives départementales des Yvelines

Toute personne normalement constituée se serait arrêtée là mais Belmance n’est pas fait de ce bois-là. Il a à peine récupéré de son incursion dans le brasier qu’il y retourne aussi sec en entendant dire qu’une comédienne était restée dans sa loge au deuxième étage du théâtre. Mais, pas folle la guêpe! Cette fois le pompier en herbe prend ses précautions en couvrant sa figure avec un tissu mouillé avant de repartir au milieu des flammes. Finalement, la loge est vide et Belmance ressort qu’en ramenant une quantité importante de dioxyde de carbone dans ses poumons. Son corps réagit et il tombe évanoui. Mais nous sommes à Brest, et cela ne vous a pas échappé que cette ville est tout à côté de la mer. Nul doute que l’air marin gorgé d’iode fait son effet et réanime en un rien de temps le comédien. On peut alors supposer qu’il a été encore ovationné par la foule en délire!

Pour ceux qui n’ont pas la référence, concernant mon allusion à «La tour infernale» et l’acteur Steve McQueen, il s’agit d’un film catastrophe de 1974 dans lequel il interprète un capitaine des pompiers et dont l’action se déroule dans un  gratte-ciel de 138 étages perturbé par un incendie le jour de son inauguration. De plus, la distribution est composée de nombreuses stars dont Paul Newman, Faye Dunaway et William Holden.

La tour infernale – Allociné

Sources & Crédits
Wiki-Brest – Modélisation de. l’ancien théâtre de Brest
Yroise – La dépêche de Brest du 26 novembre 1938
Gallica – Plan de la ville et du port de Brest 1860
Gallica – Coupe de la salle du théâtre de Brest 1829
Gallica – Le Monde Illustré du 24 mars 1866
Gallica – Journal des Pyrénées-Orientales : politique, littéraire et d’annonces du 16 mars 1866
Archives départementales des Yvelines – Industriel de Saint-Germain du 31 mars 1866

6 commentaires

  1. Mon père m’avait emmené le voir à sa sortie et mis à part le film qui m’avait impressionné, c’est le prix de la place, majorée pour ce film, qui m’avait marqué, 10 francs, ce qui était cher pour l’époque ! Je l’ai revu il y a quelques temps et j’ai trouvé qu’il se laisse encore bien regarder 🤗

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